À l’approche de l’Aïd al-Adha, les marchés de bétail au Soudan enregistrent une hausse sans précédent des prix des animaux sacrificiels, dans un contexte de crise économique écrasante et de conditions sécuritaires détériorées qui affectent profondément les citoyens, rendant le sacrifice un rêve inaccessible pour de nombreuses familles. Cette contradiction est d’autant plus frappante lorsqu’on se souvient que, avant le déclenchement de la guerre, le Soudan était classé parmi les plus grands détenteurs de richesses animales en Afrique et dans le monde arabe, exportant chaque année des animaux sacrificiels vers les pays du Golfe et l’Égypte, et étant une source fiable pour les sacrifices lors des saisons de pèlerinage dans les lieux saints.
Selon des statistiques officielles antérieures à la guerre, le cheptel soudanais est estimé à environ 103 millions de têtes, dont plus de 70 millions de moutons, incluant 33 millions de chèvres, ainsi que 30 millions de bovins et environ 3 millions de chameaux. Malgré cette abondance impressionnante, la réalité actuelle reflète un effondrement choquant de l’accès aux animaux sacrificiels, avec des prix de certains moutons dépassant 1,2 million de livres soudanaises (environ 450 dollars américains) dans la capitale, soit l’équivalent du coût d’une voiture d’occasion ou du salaire annuel d’un employé. Au marché de bétail d’Omdurman, l’une des plus grandes villes de la capitale Khartoum, un mouton portait une étiquette indiquant « 850 000 livres seulement », soit environ 320 dollars. Hajj Ali, un citoyen parcourant le marché, a exprimé son regret : « Avant, on achetait un mouton et on organisait un festin. Aujourd’hui, on calcule chaque sou, et on risque de rentrer chez nous les mains vides ».
Au Soudan, le sacrifice n’était pas seulement un devoir religieux, mais une tradition profondément enracinée, à laquelle les familles ne renonçaient pas, quel que soit leur niveau de vie. Le sacrifice était pratiqué dans un esprit collectif et social : chaque foyer participait, et les institutions publiques et privées fournissaient des animaux sacrificiels aux employés, soit sous forme de don, soit par des systèmes de paiement échelonné facilités. Même les journaux publiaient des offres de sacrifices à crédit. Aujourd’hui, toutes ces pratiques ont disparu, avec l’aggravation de la crise économique et l’intensification de la guerre.
