Mi-mai dernier, le médecin éthiopien Todros exerçait dans le service des urgences d’un hôpital de la capitale, Addis-Abeba, lorsque deux policiers ont fait irruption dans la salle et l’ont emmené sans fournir d’explications. Son seul tort était d’avoir participé à une grève des médecins et des travailleurs de la santé pour protester contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail. Cette grève a rapidement été qualifiée d’« illégale » par le gouvernement, qui a lancé une vaste campagne d’arrestations visant des dizaines de médecins. Todros raconte : « À ce moment-là, j’ai ressenti de l’impuissance et de la honte envers mon pays. » Il ajoute avoir passé plus de trois semaines dans une cellule surpeuplée, sans possibilité de contacter sa famille ni même de se laver.
La grève a été menée par le « Mouvement des professionnels de la santé éthiopiens », qui a présenté le 19 mai une liste de 12 revendications, dont l’augmentation des salaires, la fourniture d’une assurance maladie, le soutien au transport et l’amélioration de l’environnement de travail. Face à l’inaction du gouvernement, des centaines de médecins ont déserté les hôpitaux dans plusieurs régions, la réponse des autorités a été rapide et sévère : des organisations de défense des droits humains ont documenté l’arrestation de 47 médecins en quelques jours, un chiffre qui a ensuite dépassé les 140. Tous ont finalement été libérés après des promesses gouvernementales de traiter les problèmes soulevés, sans calendrier précis ni mesures concrètes.
La directrice de la division Corne de l’Afrique à Human Rights Watch, Laetitia Bader, a appelé les autorités à « cesser de harceler et d’arrêter les travailleurs de la santé et à engager un dialogue sérieux avec eux ».
En réponse, la police fédérale a accusé les médecins grévistes de « mettre en danger la vie des patients ». Selon les données de la Banque mondiale, certains médecins éthiopiens gagnent à peine 60 dollars par mois, contre environ 1 800 dollars au Kenya voisin. Les médecins affirment que leurs salaires suffisent à peine à payer le loyer, ce qui pousse certains à cumuler des emplois supplémentaires, comme travailler dans des pharmacies ou conduire des taxis.
