Pendant plus de trois décennies, les élections présidentielles en Côte d’Ivoire ont été marquées par la peur et l’appréhension face à l’explosion de violence et de chaos dans le pays, dirigé par le président Félix Houphouët-Boigny depuis l’indépendance en 1960. Le multipartisme n’a été instauré qu’en 1990, trois ans avant sa mort. Depuis la mort de Boigny en 1993, la vie politique du pays est dominée par trois figures principales : Henri Konan Bédié (décédé en 2023), Laurent Gbagbo et l’actuel président Alassane Ouattara. Ces hommes politiques étaient divisés par de nombreux facteurs (religion, idéologie, appartenance ethnique, etc.), mais unis par la quête effrénée de la succession du défunt président.
Chacun avait ses propres arguments pour revendiquer le droit de succéder à Houphouët-Boigny. Feu Bédié était président du Parlement et la Constitution lui permettait d’assumer la présidence jusqu’à la tenue d’élections. Ouattara a été Premier ministre pendant sa présidence. Le chef de l’opposition Gbagbo a justifié son rêve de présidence en affirmant avoir joué un rôle dans l’instauration d’une démocratie multipartite dans le pays et s’être présenté contre le premier président, Boigny, en 1990. C’est dans ce contexte que débuta la longue relation entre Ouattara (83 ans) et Gbagbo (80 ans). Cette relation fut parfois marquée par la coordination et l’alliance, parfois par des désaccords et de vifs conflits. Elle finit par se transformer en une tension sourde à laquelle elle est actuellement confrontée alors que le pays se prépare à l’élection présidentielle d’octobre prochain.
Les deux hommes partagent plus de différences que de points communs. Ouattara est un économiste de renommée internationale qui a travaillé à la Banque mondiale et dans d’autres institutions, tandis que Gbagbo est professeur d’histoire et syndicaliste, opposé au régime du président Houphouët-Boigny. Les deux hommes diffèrent également par leur religion et leur géographie. Alassane Ouattara est originaire du nord du pays, une région à majorité musulmane, dont une part importante est venue des pays voisins (Burkina Faso et Mali) pour travailler dans la filière café-cacao. Gbagbo, quant à lui, est originaire du sud, à majorité chrétienne.
