Au cœur du parc national de Niokolo-Koba, au Sénégal, où s’étendent de vastes savanes et où les chants des oiseaux se mêlent au bruissement des feuillages, vit une société de babouins de Guinée dotée d’un système social parmi les plus complexes du règne animal. Une étude récente a révélé des détails fascinants sur la manière dont une seule pièce de viande capturée est distribuée à travers les couches sociales imbriquées de cette communauté sophistiquée. Publiée dans la revue *iScience*, l’étude montre que le transfert de viande entre les babouins n’est pas aléatoire, mais suit un modèle graduel étroitement lié à la structure même de leur société. Ce qui est particulièrement frappant, c’est que ce modèle ressemble de façon frappante aux façons dont les humains, notamment dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs à travers l’histoire, partageaient la nourriture.
William O’Hearn, chercheur au département de cognition des primates de l’université Georg-August de Göttingen et à l’institut Johann-Friedrich-Blumenbach (Allemagne), et principal auteur de l’étude, déclare dans un entretien exclusif accordé à la presse :
« L’idée générale de notre étude est que le transfert des ressources au sein d’une société peut être déterminé par la structure de son réseau social, et non par la valeur de la ressource elle-même ». Autrement dit, c’est la forme de la société qui influence la distribution de la nourriture, et non la nature de cette nourriture. La société des babouins de Guinée est organisée en trois niveaux sociaux emboîtés. À la base se trouve ce qu’on appelle l’**unité**. William O’Hearn explique : « Une unité est composée d’un mâle dominant et d’une ou plusieurs femelles avec leurs petits ».
À l’intérieur de cette unité, les liens sont forts et règne une certaine confiance et tolérance, ce qui rend le partage de viande plus doux et naturel. O’Hearn précise : « À l’intérieur de l’unité, le partage passif est la forme de transfert la plus courante et la plus acceptée : les individus prennent simplement des morceaux sur la carcasse dont un autre est en train de manger, un peu comme quand on pique des frites dans l’assiette d’un ami ».